Víðarr est un dieu. Il tuera Fenrir lors des Ragnarök, vengeant ainsi son père Óðinn.

Víðarr et sa chaussure épaisse, Constantin HansenVíðarr et sa « chaussure épaisse » vus par Constantin Hansen.
Illustration de l'Illustreret Danmarkshistorie for Folket d'A. Fabricius (1854).
Víðarr est le fils d'Óðinn (Völuspá, str. 55) et de la géante Gríðr (Skáldskaparmál, ch. 82).

Dans la Gylfaginning (ch. 29), Snorri Sturluson dit de lui qu'il est surnommé « l'Ase silencieux », qu' « il possède une chaussure épaisse », qu'« il est presque aussi fort que Þórr » et que « de lui les dieux reçoivent un grand soutien dans tous les dangers ».

Toutefois, il ne fait montre de sa force qu'en une seule circonstance : après que Fenrir aura englouti Óðinn, Víðarr le tuera.

Selon Snorri (Gylfaginning, str. 50), le dieu marchera sur le mâchoire inférieure de Fenrir et lui arrachera la gueule. Il précise qu'il portera une chaussure fabriquée de tout temps à partir des pièce de cuir que les hommes retirent des talons et des pointes de leurs chaussures. Dans la Völuspá (str.55), en revanche, Víðarr enfonce son épée dans la gueule du loup jusqu'au cœur. Les Vafþrúðnismál (str. 51) indiquent quant à eux que Víðarr « fend » (« klyfia ») la gueule de la bête.

Víðarr fait partie des dieux qui survivront aux Ragnarök.

Víðarr est avant tout un dieu vengeur. Son silence pourrait être une pratique rituelle, comparable au fait, pour Váli, autre dieu vengeur, autre fils d'Óðinn et d'une géante, autre survivant aux Ragnarök, de ne pas se laver les mains ni de peigner avant d'avoir accompli sa vengeance1. Peut-être s'agit-il aussi d'une « forme de la ‘‘concentration’’, dont les Indiens (le silence du brahmán), les Romains (le silence d'Angerona), comme les mystiques de beaucoup de peuples attendent des effets auxquels ne suffiraient pas des forces purement physiques »2.

Vidarr et Fenrir (d'après la croix de Gosforth), W. G. CollingwoodW. G. Collingwood, Vidar (motif d'après la croix de Gosforth).
Illustration de la traduction de l'Edda en prose par Olive Bray (1908).
Georges Dumézil a suggéré que Víðarr avait « une valeur et une fonction spatiales »3, illustrées, dans un sens, par l'écartement des mâchoires du loup, dans l'autre, par le pas qu'il fait sur la mâchoire inférieure du monstre. À ce titre, il a une fonction comparable au dieu Viṣṇu de la mythologie postvédique : « ce qui est commun, c'est la fonction des deux dieux, et, dans l'exercice de la fonction, l'importance du pas, naturelle, puisqu'il s'agit de dieux spatiaux »4.

Son nom même dérive de « viðr » (« large »). Il pourrait par exemple signifier « celui qui règne loin »5.

En revanche, l'idée, un temps avancée, que Víðarr serait une divinité sylvestre est aujourd'hui abandonnée. Elle reposait sur une étymologie dérivée de « viðr », « forêt », et sur la strophe 17 des Grímnismál, qui évoque « les fourrés [qui] poussent et l'herbe haute » au pays de Víðarr.

L'absence de mention de Víðarr dans la poésie scaldique, sa rareté dans les poèmes eddiques - en dehors de la mort de Fenrir, il n'apparaît que dans la Lokasenna, où il cède - en silence - sa place à Loki, ont pu conduire à penser qu'il était une création littéraire. Il existe toutefois quelques toponymes qui semblent construits sur son nom en Norvège, et il est possible que les croix de Gosforth (Cumberland, Angleterre) et de Kirk Andreas (île de Man), qui datent du début du Xe siècle, représentent le combat entre Víðarr et Fenrir.

 


1 Höfler, Otto. Das Opfer im Semnonenhain und die Edda. In : Edda, Skalden, Saga : Festschrift zum 70. Geburtstag von Felix Genzmer. Hrsg. von Hermann Schneider; Heidelberg : Winter, 1952. P. 18.
2 Dumézil, Georges. Le dieu scandinave Víðarr. Revue de l'histoire des religions, 168-1 (1965), p. 7.
3 « parallèles à la valeur et à la fonction temporelles qui ont été reconnues pour Heimdallr, le dieu-cadre qui périt le dernier dans le Ragnarok comme il était né le premier à l'aube des temps, í árdaga », ajoute-t-il. Dumézil, op. cit., p. 6.
4 Dumézil, op. cit., p. 9.
5 de Vries, Jan. Altnordisches etymologisches Wörterbuch. 2., verbessert Aufl. Leiden : Brill, 1977.