Óðinn est le principal dieu du panthéon nordique. Il est le dieu de la sagesse et du savoir, notamment de la magie et de la poésie, des morts et de la guerre.

Odin sur les Portes de l'histoire, par Marklund, Historiksa museet de StockholmÓðinn sur les Portes de l'histoire de Bror Marklund (1939-1952), qui donnent accès au Historiska museet de Stockholm (1939-1952).

Naissance et mort d'un dieu

Óðinn englouti par Fenrir, pierre de LedbergLa pierre de Ledberg (Östergötland) représente Óðinn englouti par Fenrir lors des Ragnarök.Óðinn et ses frères, Vili et Vé, sont les fils de Burr et de la géante Bestla.

Óðinn est l'époux de Frigg, avec qui il engendre Baldr. Il est aussi le père de Þórr, né de son union avec Jörð. Il a également engendré Vali avec la géante Rindr.

Óðinn se vante volontiers de ses succès amoureux, notamment dans le Hárbarðsljóð. Nombreuses sont en particulier ses liaisons avec des géantes.

Óðinn périra lors des Ragnarök, englouti par le loup Fenrir. Bien qu'il connaisse le destin des dieux, il ne peut empêcher son accomplissement. Mais plusieurs de ses fils feront partie du monde nouveau.

Le dieu souverain

Óðinn apparaît d'abord comme le dieu souverain, créateur du monde et des hommes.

Oden, par Fogelberg (1830)Odin, Bengt Erland Fogelberg.
Marbre, 1830.
Orangerie, château d'Ulriksdal.
Dans les sources eddiques, il apparaît au sommet du panthéon nordique. Snorri écrit qu'il est « le plus éminent et le plus ancien des Ases. Il diriges tout chose, et aussi puissants que soient les autres dieux, ils le servent tous, comme des enfants leur père ».

Il règne à Ásgarðr, où, depuis Hliðskjálf, il peut voir le monde entier. Il est possible que son anneau en or, Draupnir, dont, toutes les neuf nuits, huit autres anneaux dégouttent, soit un attribut de sa souveraineté.

Il est, avec ses deux frères, le plus ancien des dieux. C'est de leur révolte contre les géants qu'est né le monde, à partir du démembrement du géant primordial Ymir.

Les trois dieux sont aussi à l'origine de l'homme. Avec Vili et Vé (selon la Gylfaginning, ch.9), ou Hœnir et Lóðurr (selon la Völuspá, str. 17 et 18), Óðinn a créé le premier homme et la première femme, Askr et Embla, à partir de deux troncs d'arbre échoués sur le rivage. C'est Óðinn qui leur a conféra le souffle (« önd »).

Dieu souverain, c'est naturellement Óðinn qui est choisi comme l'ancêtre des dynasties, non seulement scandinaves (les Ynglingar, par exemple), mais aussi anglo-saxones.

Le dieu de la connaissance

Odin sous l'apparence de Gagnrad, Georg von RosenGeorg von Rosen, Odin sous l'apparence de Gagnrad.
Illustration de l'Edda traduite par F. Sander (1893).
Óðinn est aussi le dieu de la sagesse et de la connaissance. Ce savoir est acquis principalement lorsqu'il demeura pendu à Yggdrasill durant neuf nuits, transpercé par une lance. Cet épisode, qualifié d'autosacrifice, est rapporté par les Hávamál (str. 138 et suivantes) :

« Je sais que je pendis
à un arbre battu par le vent
neuf nuits entières,
blessé d'une lance
et donné à Óðinn,
moi-même à moi-même,
à cet arbre,
dont nul ne sait,
d'où jaillissent les racines. »
 

C'est ainsi qu'Óðinn acquiert la connaissance des runes, donc du savoir magique.

Dans le récit de son autosacrifice, Óðinn indique qu'il a appris, à cette occasion, neuf puissants charmes de son oncle maternel, le fils de Bölþorn, donc un géant. Les géants sont en effet détenteurs d'un savoir très ancien, qu'Óðinn acquiert aussi auprès de Vafþrúðnir, dans un concours de sagesse (Vafþrúðnismál), et peut être aussi de Mímir, s'il s'agit bien d'un géant. Pour avoir accès au puits de Mímir, Óðinn donne son œil en gage.

C'est pourquoi, dans les sagas légendaires, il est traditionnellement représenté borgne. Les autres traits physiques caractéristiques sont un large chapeau ou un manteau à capuche, qui lui permettent de voyager déguisé, et une longue barbe grise.

Le dieu magicien

Pierre Ardre VIII OdinÓðinn chevauchant Sleipnir sur la pierre d'Ardre VIII (Gotland)
Historiska museet, Stockholm.
Le savoir d'Óðinn a un caractère magique.

Il est ainsi capable de se métamorphoser. « Son corps était étendu comme s'il était endormi ou mort, mais lui était alors oiseau ou animal sauvage, poisson ou serpent, et se rendait en un instant dans des pays lointains » (Yngliga saga, ch. 7).

Maître de la magie dénommée seiðr, il pouvait « connaître le destin des hommes et les événements à venir, provoquer chez les hommes la mort, la malchance ou la maladie, priver les uns de leur intelligence ou de leur force pour la donner à d'autres » (idem).

Sa magie s'exerce aussi sur les champs de bataille, où il pouvait « rendre ses ennemis aveugles, sourds ou remplis d'effroi, et leurs armes ne mordaient pas plus que des bâtons » (Ynglinga saga, ch. 6).

Il est aussi capable d'évoquer les morts, en particuliers les pendus, y compris en se rendant dans l'autre monde (Baldrs draumar), pour leur arracher leur savoir.

Il a encore un don de guérisseur, comme le montre, par exemple, le second charme de Mersebourg, dans lequel il guérit le cheval de Baldr.

Dans ces diverses manifestations, la magie odinique a de nombreux aspects chamaniques. La pendaison à l'arbre du monde Yggdrasill s'apparente de plus à un rite d'initiation chamanique. Le cheval à huit jambes, tel que le coursier d'Óðinn, Sleipnir, qu'Óðinn (dans les Baldrs draumar) et Hermóðr (dans la Gylfaginning, ch. 49) montent pour se rendre dans le monde des morts, est un véhicule typique du chaman.

Le dieu de la poésie

Odin dérobant à Suttung l'hydromel poetiqueÓðinn recrache l'hydromel poétique.
Manuscrit SÁM 66 (1765-1766).
Stofnun Árna Magnússonar, Reykjavík.
Óðinn est également le dieu de la poésie.

Il acquiert ce savoir en dérobant l'hydromel poétique au géant Suttungr, en usant de tromperie, qui est l'un de ses traits de caractère. Il rompt notamment, lors de cette expédition, un serment prêté sur l'anneau sacré (Hávamál, str. 110).

Il fait don de la poésie aux hommes, et est donc le patron des scaldes.

Le dieu des morts et de la guerre

Óðinn est aussi le dieu des morts, comme l'illustrent ses animaux : les loups Geri et Freki et les corbeaux Huginn et Muninn, qui survolent le monde entier et rapportent au dieu ce qu'ils ont vu et entendu. Loups et corbeaux étaient en effet réputés se repaître des cadavres.

Dieu de la guerre. Il est d'ailleurs à l'origine de la première bataille dans le monde, celle opposant les Ases aux Vanes, qu'il initie en jetant sa lance, Gungnir, dans les rangs ennemis (Völuspá, str. 24). La coutume de jeter une lance afin de consacrer son ennemi à Óðinn apparaît à plusieurs reprises, jusque dans une saga d'Islandais se déroulant peu avant la conversion, l′Eyrbyggja saga (ch. 44), dans laquelle Steinþór jette une lance par dessus la troupe de ses ennemis, « selon l'ancienne coutume, pour obtenir bonne chance ».

S'il ne combat pas lui-même, il provoque la dissension, ce dont il se vante dans le Hárbarðsljóð (str. 24) : « j'incitais les prince à la bataille, mais ne faisais jamais la paix ». La bataille de Brávellir est ainsi le résultat d'une rivalité qu'il a attisée.

Comme dieu de la guerre, Óðinn apporte la victoire, fonction très ancienne, puisque l'Origo gentis Langobardorum, composé au VIIe siècle, rapporte un épisode dans lequel Godan donne la victoire aux Lombards (Livre I, ch. 8). Pour Óðinn, la victoire peut être obtenue par n'importe quel moyen, y compris la ruse ou la fourberie.

Óðinn chevauchant Sleipnir, pierre de Tjängvide IÓðinn accueilli par une valkyrie sur la pierre de Tjängvide I (Gotland)
Historiska museet, Stockholm.
Óðinn accueille à la Valhöll les guerriers morts au combat afin d'y constituer les troupes qui combattront lors des Ragnarök. Ce sont ces guerriers que les valkyries, parfois qualifiées de « filles d'Óðinn » (« Óðinns meyjar ») sont chargées de ramener des champs de bataille. À la Valhöll, les einherjar passent leurs journées à combattre. Óðinn est aussi celui qui mène la chasse sauvage.

Il est donc le patron des guerriers, notamment des berserkir, qui se caractérisent par leur fureur extatique

Óðinn est encore le protecteur de plusieurs héros, tels que Starkaðr ou les Völsungar. Il les assiste en leur donnant des conseils stratégiques, en leur offrant des armes (ainsi, l'épée de Sigmundr dans la Völsunga saga, ch. 3) ou en mettant sa magie à leur service (comme il le fait au profit d'Eiríkr inn sigrsæli lors de la bataille de Fýrisvellir). Toutefois, inconstant, Óðinn finit souvent par donner la victoire aux ennemis de ses protégés. Loki lui adresse ce reproche dans la Lokasenna (str. 22) : « souvent tu as donné, à qui tu n'aurais pas dû la donner, la victoire au lâche ».

Óðinn est enfin le destinataire de sacrifices humains. Tacite évoquait déjà les sacrifices en l'honneur de Mercure, l'équivalent d'Óðinn (comme le prouve la traduction de « mercredi », dies Mercurii, en ódinsdagr), chez les peuples germaniques de l'Antiquité (Germanie, ch. 9). De même, Adam de Brême évoque les sacrifices humains au temple d'Uppsala, dont les victimes étaient pendues (Gesta Hammaburgensis ecclesiae pontificum, Livre IV, ch. 27). Plusieurs personnages légendaires sont victimes d'un sacrifice odinique. C'est le cas, en particulier, du roi Víkarr, tué par Starkaðr, et qui, à l'image du dieu sur Yggdrasill, périt pendu et transpercé d'une lance.

Le dieu des rois et des guerriers

Le culte d'Óðinn a donné lieu à de nombreuses discussions. Contrairement à celui de Þórr, qui est bien attesté, notamment par l'onomastique (de nombreux noms de personnes ou de lieux sont construits sur son nom), celui d'Óðinn apparaît moins répandu. La toponymie montre par exemple que les toponymes construit sur son nom sont répandus au Danemark (par exemple, Odense, étymologiquement « Óðinns vé », « sanctuaire d'Óðinn ») et dans le Sud de la Suède, mais deviennent plus rares en Norvège, et inexistants en Islande.

Cette inégale répartition a donné à penser que le culte d'Óðinn serait un culte tardif, qui se serait répandu progressivement vers le nord, et n'aurait pas eu le temps d'atteindre la Norvège et, de là, l'Islande, avant la fin du paganisme.

Cette faiblesse du culte telle qu'elle est attestée dans les sources dont nous disposons, qui sont essentiellement islandaises ou ont été préservées en Islande, tient peut-être aussi au fait qu'Óðinn était le dieu des rois et des guerriers, tandis que le paysan libre, le bondi, qui constitue l'élément dominant de la société islandaise, lui préfèrait Þórr. Cette différence entre les deux dieux est particulièrement marquée dans le Hárbarðsljóð (str. 24) : « Óðinn a les jarls, qui sont tombés au combat, mais Þórr a la race des esclaves ».