Ásgarðr (« enceinte des Ases ») est le domaine des dieux.
Þórr de Þorbjörn dísarskáld, datant du Xe siècle, où le dieu est présenté comme le défenseur d'Ásgarðr. Parmi les poèmes eddiques, il est cité dans la Hymiskviða (str. 7) et la Þrymskviða (str. 18). Si Ásgarðr est ainsi attesté comme demeure des dieux, seul Snorri l'évoque fréquemment.
Le nom apparaît, dans la poésie scaldique, uniquement dans un fragment de poème surDans une perspective evhémériste, Ásgarðr peut désigner, tant dans l’Edda que dans l’Ynglinga saga, un domaine peuplé par des êtres humains se faisant passer pour des dieux. Snorri distingue l'« ancien Ásgarðr », capitale de l'Ásaland ou Asaheimr, en Asie, d'où proviennent les Ases (Ynglinga saga, ch. 2), et assimilé à Troie (Gylfaginning, ch. 9), du nouvel Ásgarðr, en Suède, où Gylfi vient rencontrer les Ases (Gylfaginning, ch. 1).
Quant à l'Ásgarðr des dieux, Snorri raconte d'abord que les fils de Borr « se construisirent un fort au milieu du monde, qui est appelé Ásgarðr » (Gylfaginning, ch. 9). Y sont situés Hlidskjálf, où se trouve le trône d'Óðinn, la plaine Iðavöllr, le temple des dieux, Glaðsheimr, et celui des déesses, Vingólf.
La construction d'Ásgarðr
géants. Il demandait en paiement Freyja, ainsi que le soleil et la lune. Les dieux acceptèrent le marché, à condition que la fortification soit construite en un seul hiver, et sans l'aide d'aucun autre homme. Le bâtisseur demanda la permission de se faire assister de son cheval, Svaðilfari et, à l'initiative de Loki, les dieux acceptèrent.
Un mythe s'attache à la construction de l'enceinte d'Ásgarðr (Gylfaginning, ch. 42). Lorsque les dieux eurent établit Miðgarðr et construit la Valhöll, un bâtisseur leur proposa de construire en trois saisons une fortification capable de les défendre contre lesMais ce cheval était capable de transporter des rochers énormes, et le travail avança si rapidement qu'à trois jours de l'été, la fortification était presque terminée.
Alors, les dieux tinrent conseil. Jugeant Loki responsable de la situation, ils le menacèrent de mort s'il n'y remédiait pas.
Le soir même, quand le bâtisseur s'en alla chercher des pierres avec son cheval, une jument surgit de la forêt. Svaðilfari la poursuivit toute la nuit, et le travail n'avança pas. En constatant qu'il ne pourrait achever la construction à temps, le bâtisseur se mit dans une colère de géant. Voyant à qui ils étaient confrontés, les dieux tinrent pour nuls les serments de sauvegarde qu'ils avaient passées et invoquèrent Þórr, qui fracassa le crâne du bâtisseur.
Quand à Loki, il donna naissance quelque temps plus tard à un poulain gris et doté de huit jambes : Sleipnir.
Mythe ou conte populaire
L'existence d'un véritable mythe de la construction d'Ásgarðr a souvent été contestée. Snorri cite pourtant, à l'appui de son récit, deux strophes de la Völuspá (str. 25-26) :
Cependant, dans la mesure où il n'est pas ici explicitement question de la construction d'Ásgarðr, il a été suggéré, notamment par Jan de Vries, que ces deux strophes traitaient d'un sujet différent1.
2 (Scanie). La correspondance entre le récit de l'Edda et le conte n'est toutefois pas totale : en particulier, le motif du cheval (Svaðilfari, Loki transformé en jument, Sleipnir) n'apparaît pas dans le conte, argument invoqué par Georges Dumézil pour défendre l'authenticité du mythe3.
La ressemblance entre le récit de Snorri et un certain type de conte populaire a aussi alimenté le doute quant à l'existence d'un mythe authentique. Plusieurs traits du récit de la construction d'Ásgarðr se retrouvent, en effet, dans les contes dans lesquels un géant ou le diable propose à un prêtre ou un saint de construire une église dans un délai donné, en échange de son âme, du soleil, ou de la lune, et est finalement mis en échec. Le prototype de ce type de conte met en scène le géant Finn bâtissant la cathédrale de LundSi l'hypothèse qu'un conte populaire se trouve à l'origine du récit de Snorri est admise, demeure la question du passage du conte au mythe. Joseph Harris en a proposé une solution, en rapprochant ce récit d'un épisode rapporté dans deux sagas d'Islandais4. La Heiðarvíga saga (ch. 4) et l’Eyrbyggja saga (ch. 28) racontent en effet comment Víga-Styrr impose des épreuves à un berserkr désireux d'épouser sa fille. Assisté de son frère, le berserkr construit ainsi une route en une nuit, puis une clôture dans un délai fixé. Mais il est finalement piégé et tué. La similarité de structure entre le conte et le récit mythologique, la correspondance de certains détails, ont conduit Harris a défendre l'hypothèse selon laquelle le texte de l'Edda dériverait d'un motif traditionnel de provenance continentale, qui se serait transformé, en Islande, en une légende locale, peut-être en se greffant sur des événements historiques. Snorri aurait ainsi inventé ce mythe en combinant cette légende avec des motifs mythologiques traditionnels, et ce afin d'expliquer les deux strophes de la Völuspá, ou bien pour créer un équivalent scandinave au mythe de la construction des murailles de Troie.
Ursula Dronke a, en revanche, défendu l'authenticité du mythe, en avançant la thèse selon laquelle les strophes de la Völuspá et le récit de Snorri pourraient dériver d'une source commune, qu'elle s'est efforcée de reconstituer en construisant un poème de forme eddique : la *Svaðilfarkviða5.