Gefjon ou Gefjun (« celle qui donne ») est une déesse de la fertilité.

Gefionspringvandet ou Fontaine de Gefjon, Anders BundgaardAnders Bundgaard, La Fontaine de Gefjon (Copenhague).Dans la Gylfaginning (ch. 35), Snorri écrit de cette déesse qu'elle qu'« elle est vierge, et toutes celles qui meurent vierges la servent ». Cette présentation semble être en contradiction avec le seul mythe dans lequel Gefjon joue un rôle, celui où elle obtient du roi suédois Gylfi une partie de son territoire. Il est raconté par Snorri dans la Gylfaginning (ch. 1) et l'Ynglinga saga (ch. 5).

L'Ynglinga saga rapporte qu'Óðinn, après avoir quitté l'Asie pour l'Europe, s'installa à Odense. Il envoya alors Gefjon au nord, pour y trouver un territoire. C'est ainsi qu'elle arriva chez Gylfi, qui lui donna une terre à labourer. Dans la Gylfaginning, Gefjon se présenta en revanche auprès de Gylfi sous l'apparence d'une vagabonde, sans que son but soit indiquée. En récompense du divertissement qu'elle lui procura, le roi lui accorda autant de terre que pourraient labourer quatre bœufs en un jour et une nuit.

La nature de ce divertissement (« skemtan ») est discutée. Le mot est susceptible d'avoir une connotation sexuelle, mais il pourrait également s'agir d'un divertissement d'une autre nature. Va toutefois dans le sens de la première interprétation une strophe de la Lokasenna (str. 20) où Loki adresse à Gefjon le reproche suivant :

« Le blanc garçon
Qui t'as donné un collier,
Tu l'as enlacé entre tes cuisses.1»

Les deux récits rapportent que Gefjon se rendit alors au Jötunheimar, d'où elle revint avec quatre bœufs qui étaient en réalité les enfants qu'elle avait eus avec un géant. Les bêtes de trait labourèrent si bien qu'elles détachèrent une portion de territoire, qu'ils tirèrent ensuite vers l'ouest jusqu'à un détroit, où Gefjon la fixa et lui donna le nom de Seeland. L'endroit d'où la terre avait été détachée forma un lac, le lac Mälar.

Cet épisode est évoqué dans une strophe de Bragi Boddason citée par Snorri dans ses deux textes. Son interprétation exacte est discutée, mais elle confirme que Gefjon a arraché à Gylfi un fragment de son territoire à l'aide de bœufs.

L'Ynglinga saga rapporte encore que Gefjon vécut ensuite sur l'île de Seeland et qu'elle épousa Skjöldr, l'un des fils d'Óðinn et l'ancêtre des rois de Danemark. Les deux époux vécurent à Lejre.

Gefjon est généralement considérée comme une déesse de la fertilité, ce qu'indique déjà l'étymologie de son nom, à rapprocher de celui des matrones Gabiae, et autres noms comparables, mais aussi de Gefn, qui est l'un des noms de Freyja.

Gefjon pourrait donc être la variante danoise de Freyja. Les deux déesses présentent, en effet, de nombreux traits communs : promiscuité sexuelle (Freyja a accepté de passer la nuit avec quatre nains en échange d'un collier, selon le Sörla þáttr), errance (Freja est perpétuellement à la recherche de son mari, Óðr), maîtrise de la magie (Freyja pratique le seiðr), lien avec les morts (Freyja accueille la moitié des morts).

Gefjon aurait plus particulièrement un rôle lié au labourage, et le mythe qui lui est attaché pourrait correspondre à un rite agraire.

Pour éclairer l'apparent paradoxe entre la virginité de Gefjon et son rôle comme déesse de la fertilité, Anne Holtsmark l'a rapprochée de la déesse romaine Diane, qui présente les mêmes traits. Du reste, Gefjon est souvent présentée comme l'équivalente de Diane dans des traductions en vieux norrois de textes hagiographiques écrits en latin.

 


1 « Le blanc garçon » pourrait être Heimdallr, qui est surnommé l'« Ase blanc » (Gylfaginning, ch. 27) , le collier Brísingamen, et Loki pourrait faire allusion à la récompense attribuée par Gefjon à Heimdallr pour avoir repris son collier à Loki au terme du combat évoqué dans la Húsdrápa.