L'inscription runique N B380 figure sur un bâtonnet retrouvé à Bryggen (Bergen). Datée de la fin du XIIe siècle, elle contient une formule magique à consonance païenne.
Le bâtonnet a été retrouvé en 1961, lors des fouilles consécutives à l'incendie de Bryggen en 1955. Il reposait sous la couche de cendres datant de l'incendie de 1198, et remonte donc à la période comprise entre les incendies de 1170 et 1198.
Gravée sur les deux faces, l'inscription runique est la suivante :
La face sur laquelle figure l'invocation des dieux.
Photographie : James E. Knirk.
© 2015 Kulturhistorisk museum, UiO / CC BY-NC 3.0.Comme sur d'autres inscriptions retrouvées à Bryggen, un mètre eddique est employé. Il s'agit ici du galdralag, le mètre des chants magiques.
La première face contient une formule de salutation comparable à celle employée dans la strophe 11 de la Hymiskviða (« Ver þú heill, Hymir, í hugum góðum »).
La seconde formule peut être interprétée de façons diamétralement opposées, selon que l'on considère ou non qu'elle témoigne de survivances païennes.
Si l'auteur est chrétien, à une formule de salutation succéderait curieusement une formule de malédiction1, appelant la mort ou la damnation du destinataire. Être possédé par Óðinn, c'est en effet mourir2. Dans la conception chrétienne, où les dieux païens sont considérés comme des démons, la formule pourrait aussi avoir pour équivalent « que le diable t'emporte ».
Mais si la formule témoigne de croyances païennes, elle pourrait être destinée à accompagner le passage d'un défunt dans l'autre monde. Ou alors, la signification originelle de la formule « qu'Óðinn te possède » ayant été oubliée, l'auteur de l'inscription appellerait simplement la bénédiction des dieux sur son destinataire.
S'il a été soutenu que cette inscription témoignait de la persistance de traditions, voire de croyances, païennes au Moyen Âge, l'idée que le paganisme ait survécu à une date aussi tardive est généralement écartée.
Il est enfin possible que cette demi-strophe constitue une citation d'un poème eddique aujourd'hui disparu, ou qu'elle constitue une parodie des vers eddiques.
Sources
- Liestøl, Aslak. Runer frå Bryggen. Viking, 27 (1964). P. 37-38.
- McKinnell, John ; Simek, Rudolf ; Duwel, Klaus. Runes, magic and religion : a sourcebook. Wien : Fassbaender, 2004. (Studia medievalia Septentrionalia ; Bd. 10). P. 128.