La Saga d'Arne Marsson (1986) est un roman de science-fiction Pierre Bameul. Il s'agit d'une uchronie dans laquelle des vikings auraient fait la conquête de l'Amérique.

Pierre Bameul, né en 1940 dans le Cotentin, est un écrivain français de science-fiction. Il est notamment l'auteur de Pour nourrir le soleil, composé de deux tomes, La Saga d'Arne Marsson et Le Choix des Destins, l'un et l'autre parus chez Fleuve noir (collection Anticipation) en 1986.

Bameul La Saga d Arne MarssonLa Saga d'Arne Marsson roman débute en pleine mer, alors qu'Arne Marsson et ses compagnons font route vers le sud, depuis le Vinland, récemment découvert, en direction d'un mystérieux territoire dont l'existence a été révélée à Arne par une « plaque de granit rose couverte d'inscriptions runiques, qu'il avait trouvée au bord d'un fleuve de Suomi ». Cette « Pierre des Trolls » indique qu'« à environ mille cinq cents milles au soud-ouest du Vinland, se trouve un prodigieux empire. Ses habitants, d'une haute civilisation, utilisent l'or comme du fer et commandent au soleil ».

Il est possible que le nom du héros soit calqué sur celui d'Ari Másson qui, selon le témoignage de la Landnámabók (Sturlubók, ch. 122), « fut dérouté en mer au Hvítramannaland ; certains l'appellent Irlande la grande ; il se situe à l'ouest, dans la mer, près du Vínland le bon ; on dit qu'il se situe à six jours de navigation à l'ouest de l'Irlande ». Ce « Pays des hommes blancs » est également évoqué dans l'Eiríks saga rauða (ch. 12), où il tire son nom des vêtements blancs de ses habitants. Il pourrait s'agir d'une terre purement légendaire, mais il a aussi fait l'objet de tentatives de localisation en Amérique : Gwyn Jones, par exemple, le situe sur la côte du Labrador, identifiant les vêtements blancs aux tenues de cérémonie en peau de chamois ou de cerf des Indiens Naskapis1.

Alors qu'il s'engagent dans un fleuve, Arne et son équipage sont attaqués par des « Skraelings du Sud » – skrælingr est le nom par les sagas aux indigènes du Groenland et d'Amérique du Nord, qui, dans le tome 2, sont identifiés à des Cherokees. Grâce à leur supériorité technique – ils connaissent en particulier la poudre à canon, ils emportent cette première bataille, avant de faire alliance avec leurs adversaires. Les vikings s'intègrent à ce peuple nouveau, à tel point qu'Arne est désigné son chef.

Quetzalcoatl dans le Codex BorbonicusQuetzalcoatl dans un manuscrit aztèque, le Codex Borbonicus (fin du XVe siècle).
Paris, Bibliothèque de l'Assemblée nationale.
Formant une armée douée de technologies avancées et d'une tactique éprouvée – ils reconstituent les légions romaines, ils parviennent à vaincre les adversaires des Skraelings, les Chichimèques et les Toltèques. Ceux-ci se rallient à leurs vainqueurs et à leur chef, désormais connu sous le nom de Quetzalcoatl, le Serpent à Plumes, ainsi nommé en raison, à la fois de sa coiffe de plumes, qui symbolise son statut chez les indigènes, et de son armure, semblable à des éclailles de serpent.

Sous la conduite d'Arne, les différents peuples entament une migration vers le sud, en direction de l'Empire du Soleil. Sur son trajet vers le pays de l'abondance, le « Viking-dieu » rallie de nouvelles tribus et, au terme d'un long voyage, entre en vainqueur dans Teotihuacan, la capitale des Totonaques, dans la vallée de Mexico, vaste cité où se situe notamment une gigantesque pyramide du Soleil, puis dans Tula, où se trouve la pyramide de Quetzalcoatl. C'est de là que règne Arne, l'envoyé du Soleil-Dieu, une divinité qui continue de réclamer des sacrifices humains.

Poussé par le désir d'étendre ses conquêtes jusqu'au pays inca, et d'unifier les différentes nations indiennes « en un vaste Empire du Soleil s'étendant du nord au sud sur l'épine dorsale du continent. Un empire dont il serait le maître », Arne retourne en Islande chercher les chevaux et les renforts dont il a besoin pour assouvir son ambition.

Viracocha Inca dans avec sa tunique runiqueLe huitième Inca, Viracocha Inca, représenté par Felipe Guaman Poma de Ayala dans El primer nueva corónica y buen gobierno (manuscrit GKS 2232 4º, 1615/1616).
Selon Jacques de Mahieu, la tunique de « l'Inca blanc et barbu » est décorée de signes ressemblant à des runes.
Copenhague, Det Kongelige Bibliotek.
L'arrière-plan « historique » de ce récit est inspiré des ouvrages qui ont tenté de démontrer l'existence d'un contact entre les viking et les civilisations mésoaméricaines et andines. C'est le cas, par exemple, d'une série de livre de Jacques de Mahieu, débutée avec Le Grand Voyage du Dieu-Soleil, paru en 1971.

Se fondant sur diverses traditions indigènes, l'auteur s'efforce de démontrer qu' « elles nous montrent un groupe de guerriers blancs, au type nordique, qui débarque sur la côte mexicaine et transmet une partie de sa culture aux habitants de I'Anahuac, du Yucatan et des régions voisines. Sous le nom de Quetzalcoatl dans le pays nahuatl [...], le chef blanc qui, vraisemblablement, s'appelait Ullman devient avec le temps, dans l'esprit des indigènes, malgré les difficultés auxquelles il s'était heurté durant son séjour dans les divers pays, un dieu civilisateur » (p. 84).

La figure d'Arne, conquérant et civilisateur, arrivé de l'est par la mer et reparti vers l'est, correspond à la description que fait Mahieu de son Ullman/ Quetzalcoatl.

En plus des traditions recueillies par écrit après la conquête, Mahieu sollicite des témoignages iconographiques – fresques, sculptures... – qui représenteraient des hommes blancs et barbus, identifiés par leur « type racial » à des vikings.

De nombreuses preuves attesteraient, selon lui, des apports de la culture viking aux civilisations mésoaméricaines et andines.

Elles sont en particulier d'ordre linguistique : les langues précolombiennes auraient subi l'influence du vocabulaire scandinave et germanique. Le mot inca dériverait ainsi du suffixe -ing, indiquant les membres d'un même lignage, et le premier empereur de ce peuple, Manco Cápac, aurait porté un prénom construit sur man, « homme », et konungr, « roi », tandis que son titre viendrait du vieux scandinave kappi, « héros », « champion ».

Tesmascal, le sauna aztèqueSont également sollicitées des analogies dans les domaines les plus divers : mythologie (un usage très audacieux de l'onomastique permettant, par exemple, de dériver Tonatiuh Ollin, nom nahuatl désignant le dieu solaire, à la fois de Thonar, de Tiu et d'Odin), écriture (inscriptions runiques), urbanisme (influence de l'organisation des forteresses circulaires danoises de type Trelleborg), armement, jusqu'à l'existence du sauna dans l'Amérique pré-colombienne.

Bameul, Le Choix des destinsLe second tome de Pour nourrir le soleil, Le Choix des destins, est également une uchronie, se déroulant un millénaire plus tard, et mettant en scène des univers parallèles. Fort de la civilisation que lui a apporté les vikings, l'Empire du Soleil aztèco-inca a conquis toute l'Amérique, facilement repoussé les conquistadors espagnols, et étendu sa domination sur l'Europe.

C'est désormais une dictature obscurantiste et sanguinaire – sa religion réclamant toujours des sacrifices humains, que des mouvements de résistance tentent d'abattre. Il est ainsi question de « l'appel de Gallix cet ancien officier indigène qui avait déserté son poste en Franhuac pour diriger la rébellion depuis les îles du Nord », « un homme de haute taille au nez allongé », commandant aux « Forces Franhuas de l'intérieur » , par exemple les « maquisards du Verkhorc »...


1 Jones, Gwyn. The Norse Atlantic saga : being the Norse voyages of discovery and settlement to Iceland, Greenland, and North America. Oxford : Oxford University Press, 1986. P. 133.