L'Einars þáttr Skúlasonar est un court þáttr qui illustre, en trois anecdotes, la rapidité du scalde Einarr Skúlason pour composer des vers.
Début du þáttr dans l'édition de la Morkinskinna par Finnur Jónsson (1932).Le þáttr se déroule alors qu'Einarr est au service des rois de Norvège Sigurðr Jórsalafari (1103-1130) et Eysteinn Magnússon (1103-1123).
Il s'ouvre sur une une référence à la composition du Geisi, le poème d'Einarr en l'honneur de saint Óláfr, et à sa récitation, accompagnée de miracles, dans la Kristskirkja (la cathédrale de Nidaros, à Trondheim).
Il contient surtout trois anecdotes qui illustrent le talent du scalde pour improviser.
Dans la première, alors qu'il arrive en retard pour le dîner, Eysteinn lui demande, à titre d'amende, de composer une strophe avant qu'il ait fini son gobelet. Einarr y parvient.
Dans la deuxième, Einarr intercède auprès de Sigurðr en faveur d'un ménestrel qui avait consommé de la viande un vendredi. Le roi s'engage à ne le punir que le temps qu'il faudra à Einarr pour composer une strophe. Le ménestrel ne reçoit que cinq coups de fouet.
Dans la troisième, Sigurðr demande à Einarr de composer une strophe avant qu'un navire au départ de Björgyn (Bergen) ait passé Hólmr (l'emplacement de la forteresse de Bergenhus aujourd'hui). Le scalde n'y consent qu'à condition que le roi et sept hommes de sa hirð mémorisent chacun un vers, et que pour chaque vers oublié, il recevra autant de mesures de miel. Seuls le premier et le dernier vers peuvent être remémorés.
Cette incapacité du roi (et à plus forte raison de ses hommes) de se souvenir de la strophe qui vient d'être récitée devant eux peut laisser à penser qu'ils ont éprouvé des difficultés à la comprendre1. L'épisode constitue une pièce au débat opposant les chercheurs pour qui la poésie scaldique ne pouvait être comprise que d'une audience raffinée et instruite, et ceux selon qui elle était facilement intelligible2.
Composé au XIIIe siècle, l'Einars þáttr Skúlasonar est conservé dans la Morkinskinna.
Traductions
- Einar Skulason's Tale. Transl. by Scilla Brumfit. In : The complete sagas of Icelanders, including 49 tales. Vol. I. General editor, Viðar Hreinsson ; editorial team, Robert Cook et al. ; introduction by Robert Kellogg. Reykjavík : Leifur Eiríksson Publishing, 1997.
- Morkinskinna : the earliest Icelandic chronicle of the Norwegian kings (1030-1157). Translated with introd. and notes by Theodore M. Andersson and Kari Ellen Gade. Ithaca (N.Y.) ; London : Cornell university press, 2000. (Islandica ; 51). Ch. 97.