Ymir est le géant primitif. Né de la rencontre du froid et de la chaleur, il est l'ancêtre de tous les géants. Tué par les trois premiers dieux, Óðinn, Vili et Vé, son corps démembré fut utilisé pour construire le monde.

Ymer tête la vache Auðumbla, Nicolai AbildgaardNicolai Abildgaard, Ymer tête la vache Ødhumbla.
Huile sur toile, vers 1777.
Statens Museum for Kunst, Copenhague.
L'antiquité d'Ymir est attestée par la Völuspá (str. 3), qui affirme qu'Ymir existait déjà aux temps anciens, lorsqu'il n'existait encore ni ciel ni terre.

Snorri, dans sa Gylfaginning (str. 4-8), rapporte qu'Ymir naquit de la fonte des gouttes de givre des rivières Élivágar au contact de la chaleur de Múspell. Les Vafþrúðnismál (str. 31) affirment que les gouttes de poison des Élivágar donnèrent naissance à Aurgelmir, que Snorri assimile à Ymir. Le géant fut nourri par les rivières de lait jaillissant des pis de la vache Auðumbla.

Ymir sua pendant son sommeil, et sous son bras gauche se développèrent un homme et une femme. L’un de ses pieds engendra avec l’autre pied un fils. Ces modes de reproduction sont également évoqués dans les Vafþrúðnismál (str. 31), qui les attribuent à Aurgelmir. Ymir est ainsi l'ancêtre de tous les géants, ce que confirme la Völuspá hin skamma (Hyndluljóð, str. 33).

Ce caractère hermaphrodite pourrait expliquer le nom d'Ymir, dont une signification possible est « jumeau ». Il pourrait ainsi être rapproché de Tuisto, le premier dieu des Germains selon Tacite (Germanie, ch. 2), dont le nom renvoie aussi à la dualité, ainsi que d'autres ancêtres mythiques indo-européens, tels que le Yama védique, le premier homme à mourir, ou le Yima avestique1. Mais Ymir pourrait aussi dériver du verbe « ymja » : « crier »2, de nombreux géants portant des noms en rapport avec le bruit.

Ymir mis à mort par Óðinn, Vili et Vé, Lorenz Frølich Ymir mis à mort par Óðinn et ses frères, par Lorenz Frølich.
Illustration de Nordens Guder i Billeder (1875-1877).
Ymir fut tué par Óðinn, Vili et Vé. Transportant le corps d'Ymir au centre de Ginnungagap, les dieux créèrent la terre avec sa chair, les mers et les lacs avec son sang, les montagnes avec ses os, les rochers avec ses dents, les arbres avec ses cheveux. De son crâne il firent la voûte céleste, et de sa cervelle les nuages. Avec les sourcils d'Ymir fut construit Miðgarðr, une muraille destinée à se protéger des géants. Seul Snorri mentionne le meutre d'Ymir, mais la création du monde par son démembrement est décrite dans les Grímnismál (str. 40) et dans les Vafþrúðnismál (str. 21) et était également connue des scaldes : Ormr Barreyjarskáld parle du « sang d'Ymir » et Egill Skallagrímsson de « blessure du cou du géant » (Sonatorrek) pour désigner la mer et Arnórr jarlaskáld appelle le ciel « crâne d'Ymir » (Magnússdrápa).

La création de l'univers à partir d'un corps trouve son équivalent dans de nombreuses régions du monde3.

 


1 de Vries, Jan. Altgermanische Religionsgeschichte. 3., unveränd. Aufl. Berlin : Walter de Gruyter, 1970. Bd. II, p. 363-364.

2 McKinnell, John. Meeting the other in Norse myth and legend. Woodbridge, Suffolk, UK ; Rochester, NY : D.S. Brewer, 2005. P. 12.

3 de Vries, Jan. Op. cit. Bd. II, p. 373.