La pierre runique d'Alstad est une pierre norvégienne comportant deux inscriptions d'époques différentes, et une ornementation typique du style du Ringerike.

La pierre tire son nom de la ferme de Nedre Alstad, située sur le territoire d'Østre Toten, dans l'Oppland. Décrite et illustrée par Ole Worm en 1643, elle est exposée depuis 1913 au Historisk museum d'Oslo.

Haute de près de 3 mètres, large de 50 centimètres, épaisse de 13, en grès rouge – comme la pierre de Dynna, trois de ses quatre faces sont gravées.

Faces de la pierre runiques d'Alstad dessinées par Eva WilsonLes ornementations de la pierre d'Alstad reproduites par Eva Wilson pour l'ouvrage Viking Art (1966).Les deux faces les plus larges sont historiées – c'est d'ailleurs la seule pierre norvégienne dans ce cas.

D'un côté sont gravés, de haut en bas, un oiseau de proie ; un cavalier tenant un faucon sur son poing, entouré, au-dessus et au-dessous de lui, de chiens (ou de loups) ; un cheval ; un cavalier brandissant ce qui semble être une arme. Il s'agit peut-être d'une scène de chasse. Lis Jacobsen a voulu y voir une représentation de la légende de Sigurðr, figuré par le premier cavalier, tandis que le cheval serait Grani après la mort de son maître, et le second cavalier Högni1.

Sur l'autre face apparaît une ornementation végétale, composée d'une longue double volute entrelacée, jaillissant de deux spirales. Si la représentation des animaux de la première face s'incrit dans la continuité du style de Mammen, le motif végétal est en revanche caractéristique du style du Ringerike2, qui tire son nom de la pierre d'Alstad et de quelques autres de même provenance (Vang, Talberg, Strand, Dynna).

La pierre contient également deux inscriptions runiques.

Côté de la pierre runique d'AlstadL'inscription qui débute sur l'un des côtés étroits et s'achève en bordure de la face contenant la « scène de chasse » (N61) est la plus ancienne. Elle doit dater de la fin du Xe siècle.

La translittération suivante a été proposée :

§A iurun ¤ rais(t)i [¤] s(t)ain ¤ þina ¤ af(t)ir [¤] au-aun- ¤ is ¤ (h)ana ¤ --(t)i [¤] auk ¤ furþi ¤ af ¤ hrikariki ¤ u(t)an ¤ ur ulb¤aui-
§B × auk ¤ (m)unta¤stain ¤ ----ir ¤ þusi ×
 

L'inscription est par endroits effacée, en particulier le sommet du fragment gravé sur le côté. C'est pourquoi les  sont conjecturés. Les faces de la pierre sont criblés de trous : elle a dû, à une époque, servir de cible pour s'exercer au tir à l'arc.

La transcription permet la lecture suivante :

§A Jórunnr reisti stein þenna eptir er hana [á]tti, ok fœrði af Hringaríki útan ór Ulfeyj[u].
§B Ok myndasteinn [mæt]ir þessi.
 

Le début de l'inscription est traditionnel, et peut être traduit par : « Jórunnr a dressé cette pierre à la mémoire de ?, son mari [littéralement : « qui la possédait »] ». Le nom du mari devait suivre la préposition eptir, mais il est illisible.

Dans la suite, il est question de quelque chose ou quelqu'un qui a été transporté depuis, peut-être, une île dénommée Ulfey (aujourd'hui Ulvøya, dans le Steinsfjord), dans le Ringerike. En l'absence de sujet et de complément, il pourrait s'agir aussi bien du mari qui aurait ramené sa femme du Ringerike, que de la femme qui aurait fait apporter la pierre du Ringerike. Plaide en faveur de cette seconde hypothèse le fait qu'il a existé pendant très longtemps une carrière de grès rouge sur Ulvøya.

Une traduction pourrait donc être : « et elle l'a rapportée du Ringerike, de l'île d'Ulfey ».

La fin de l'inscription est également en grande partie conjecturale. Le sujet de la phrase semble être un nom composé, myndasteinn, construit sur le nom mynd, « image », soit une « pierre historiée ». Quant au verbe, seule est lisible la terminaison, -ir, indiquant un temps présent. Magnus Olsen a suggéré mætir, d'un verbe mæta signifiant « honorer ».

La traduction serait alors : « Et la pierre historiée les honore ».

Face de la pierre runique d'AlstadL'autre inscription (N 62) figure sous la scène de chasse. Datée d'environ 1050, mieux conservée, elle pose moins de difficultés de lecture et d'interprétation.

× ikli × reisti stein þana eftir × þoral(t) sun sin is uarþ tauþr × i uitahol(m)(i) miþli ustaulms auk karþa ×
Engli reisti stein þenna eptir Þórald, son sinn, er varð dauðr í Vitaholmi, miðli Ustaholms ok Garða.
Engli a dressé cette pierre à la mémoire de Þóraldr, son fils, qui trouva la mort à Vitaholmr, entre Ustaholmr et Garðar.
 

Engli (ce prénom ne correspond pas nécessairement aux runes, mais il a le mérite d'être attesté par ailleurs) était probablement un descendant de Jórunnr et son époux qui, à la mort de son fils, réemploya la pierre déjà dressée pour le commémorer.

Þóraldr trouva la mort sur la route de l'Est. Si un tel sort est fréquemment évoqué sur les pierres runiques suédoises, il est unique sur une pierre norvégienne. Il apparaît peut-être ici en raison d'une connection particulière entre le Ringerike et la Russie, illustrée par saint Ólafr, Haraldr harðráði ou encore Eymundr hringr, le héros de l'Eymundar þáttr – de façon assez spéculative, Boris Kleiber a suggéré qu'Engli aurait pu faire partie des compagnons d'Eymundr, ce qui expliquerait sa bonne connaissance de la toponymie russe3.

Les différents lieux évoqués dans l'inscription semblent en effet pouvoir être localisés avec précision en Ukraine4. Vitaholmr comprend l'élément viti, terme désignant notamment les feux destinés à être allumés depuis une éminence afin d'avertir d'un danger. Cet élément se retrouve dans le nom du village de Vitičev, situé au bord du Dniepr, à quelque 40 kilomètres au sud de Kiev, où ont été retrouvés les vestiges d'une tour qui, à l'époque viking, abritait un tel signal d'alarme. Ustaholm pourrait de son côté correspondre à Ustje, une ville fortifiée située à l'embouchure d'un affluent du Dniepr, à moins de 100 kilomètres au sud de Kiev, dont le nom figure dans la Chronique de Nestor. Dans ce cas, plutôt que de désigner la Russie en général, Garðar serait ici le nom donné à la ville de Kiev ou à son royaume.


1 Jacobsen, Lis. Evje-stenen og Alstad-stenen. Oslo : [Universitets oldsaksamling], 1933.
2 Wilson, David M.; Klindt-Jensen, Ole. Viking art. London : Allen & Unwin, 1966. P. 130-132. Graham-Campbell, James. Viking art. London : Thames & Hudson, 2013. P. 118-119.
3 Kleiber, Boris. Alstadsteinen i lys av nye ugravninger ved Kiev. Viking, 29 (1965). P. 72.
4 Kleiber, op. cit., p. 66-71.
 

Sources

  • Norges innskrifter med de yngre runer. Utgitt for Kjeldeskriftfondet ; med hjelp i forarbeider av Sophus Bugge ... [et al.] ; ved Magnus Olsen. Bd. 1. Oslo : Norsk historisk kjeldeskrift-institutt, I kommisjon hos J. Dybwad, 1941. P. 133-159.
  • Samnordisk runtextdatabas.
  • Spurkland, Terje. Norwegian runes and runic inscriptions. Transl. by Betsy van der Hoek. Woodbridge : Boydell Press, 2005. P. 99-103.