Meurtres à Granville est un téléfilm policier franco-belge (2021). Se déroulant en Normandie, il met en scène une enquête sur des crimes commis selon des rituels vikings.

Meurtres à Granville est un épisode de la série de téléfilms policiers Meurtres à…, créée sur France 3 en 2013. Les enquêtes se déroulent chaque fois dans une ville ou une région française différentes.

Meutre à GranvilleLa victime de l’aigle de sang.Dans Meurtres à Granville, diffusé sur France 3 le 9 janvier 2021, un homme est retrouvé mort sur la plage de cette commune de la Manche, après avoir subi le supplice de l’aigle de sang.

C’est une ancienne médecin légiste et romancière à succès, Camille Fauvel, qui découvre le cadavre. Le meurtre semble directement inspiré du roman qu’elle est en train d’écrire, et qui s’intitule La Légende de l’aigle de sang.

Pour le rédiger, elle s’est, dit-elle, « pas mal documentée » sur les traditions vikings. Dans une scène la montrant consultant ses sources, seuls trois ouvrages peuvent toutefois être dénombrés. 

C'est ainsi qu'elle affirme d’abord que « l'aigle de sang était un supplice très connu chez les vikings ». Or, parmi la vaste production littéraire scandinave à l’époque viking et médiévale, seules neuf sources, dont plusieurs dépendent d'une autre, font état de l'aigle de sang.

Elle évoque l’une de ces sources, la Gesta Danorum, de Saxo Grammaticus. Elle indique toutefois : «  le supplice de l'aigle de sang avait été infligé au géant Brusi, qui avait assassiné son frère. Et la description qui en est faite correspond tout à fait au mode opératoire ». Le mode opératoire – tailler un aigle dans le dos de la victime, correspond bien à la description de Saxo mais, dans la Gesta Danorum, l’aigle de sang est infligé par les fils de Ragnarr Loðbrók au roi Ella de Northumbrie.

Le géant Brúsi est bien, lui aussi, associé à l’aigle de sang, mais dans un récit légendaire, l’Orms þáttr Stórólfssonar. Il périt de cette façon des mains d’Ormr, dont il a assassiné le frère juré. Et le mode opératoire est différent : il s’agit cette fois de de trancher les côtes le long de la colonne vertébrale, puis à les déployer comme les ailes d'un aigle et à extraire les poumons de la poitrine.

L’aigle de sang donne prétexte à Camille Fauvel de formuler une réflexion sur le sadisme des vikings (« pour eux infliger la souffrance était une forme de plaisir »), qu’il est difficile d’étayer par des témoignages crédibles.

Scramasaxe mérovingien de ChaouilleyUn scramasaxe mérovingien (Chaouilley, Meurthe-et-Moselle, fin du VIe-début du VIIe siècle).
Musée d’Archéologie Nationale, Saint-Germain-en-Laye.
©RMN-Grand Palais / Franck Raux.
Ayant procédé à l’autopsie de la victime, elle en conclut que l’arme du crime est un scramaxase,qu’elle décrit comme un « couteau viking » dont « la lame n’est affûtée que d’un côté ». Si les vikings connaissaient ce type d’arme, à défaut de connaître le mot, il n’est en rien spécifiquement scandinave. Le scramasaxe se rencontre chez tous les peuples germaniques, et l’attestation la plus ancienne du nom figure d’ailleurs dans l’Histoire des Francs de Grégoire de Tours (538?-594), dans laquelle il rapporte que ce fut l’instrument du meurtre du roi Sigebert en 575.

Durant l’autopsie, une une pièce d’or est retrouvée dans le corps de la victime, ce qui vaut l’explication suivante au téléspectateur : « dans la culture norroise on plaçait souvent des pièces d’or dans le corps des sacrifiés pour que la géante Mokdug les guide dans l’au-delà ». La nature sacrificielle de l’aigle de sang (s’il a jamais existé) n’est pas démontrée. La coutume de placer une pièce d’or dans le corps d’un défunt n’est nulle part mentionnée (il s’agit peut-être d’une confusion avec l’usage des Grecs anciens de déposer une obole sous la langue des morts, afin de payer la traversée du Styx). Enfin, il n’existe pas, dans la mythologie nordique, de géante psychopompe nommée Mokdug, dont le nom est du reste inconnu de la littérature norroise.

Dicksee, The Funeral of a Viking Frank Bernard Dicksee, The Funeral of a Viking.
Huile sur toile, 1893.
Manchester, Manchester Art Gallery.
Le meurtre suivant est également présenté comme d’inspiration viking : « les vikings attachaient les victimes dans un bateau qu’ils enflammaient et qu’ils poussaient au large. Et la fumée en s’échappant devait emporter l’âme du défunt au Valhalla ». Une telle pratique correspond à certains rites funéraires – telles que le reflètent, par exemple, les funérailles du dieu Baldr, mais pas à un mode de mise à mort connu des sources.

Il est finalement question du roi Ella, tué en 867 par les fils de Ragnarr Loðbrók pour venger leur père. C'est l'occasion d'affirmer que l'aigle de sang est primitivement une façon de venger son père, ce qui a en effet été avancé – et aussi de conclure l'enquête.