La Hervarar saga ok Heiðreks konungs (« Saga de Hervör et du roi Heiðrekr ») ou Heiðreks saga (« Saga de Heiðrekr ») est une saga légendaire composée au XIIIe siècle. Elle regroupe plusieurs poèmes et histoires liés entre eux par la présence de l'épée maudite Tyrfingr, qui se transmet dans une même famille sur plusieurs générations.

Versions

Hansen Hervor henter svaerdet Tyrfing i Angantyrs hojConstantin Hansen, Hervør va chercher l'épée Tyrfing dans le tertre d'Angantyr.
Huile sur toile, 1872.
Il existe trois principales versions de la saga, usuellement qualifiées de R, H et U.

La version R est conservée dans le manuscrit GKS 2845 4to, datant du XVe siècle. Il souffre de deux lacunes, toute la fin étant en particulier manquante. Ce manuscrit est considéré comme le plus proche de l'original.

La version H est conservée dans le Hauksbók, rédigé au début du XIIIe siècle. La fin est également manquante, mais une partie peut être complétée par deux manuscrits sur papier du XVIIe siècle, AM 281 4to et AM 597b 4to.

La version U se déduit de plusieurs manuscrits tardifs : les manuscrit R: 715, conservé à Uppsala, et AM 203 fol., ainsi qu'un court résumé en latin, œuvre d'Arngrímur Jónsson, rédigé à l'hiver 1596/1597.

Les versions H et U pourraient descendre d'un manuscrit commun, tandis que R représenterait une tradition distincte, les unes et l'autre remontant à un unique manuscrit original. Les versions H et U proposent de nombreuses variantes et ajoutent des éléments à la saga.

Récit

Le résumé suit l'édition établie par G. Turville Petre, qui prend pour base la version R, complétée par U.

Le roi de Garðaríki, Sigrlami, avait obtenu de nains l'épée nommée Tyrfingr, qui avait les propriétés de causer la mort d'un homme toute les fois qu'elle était tirée, et d'infliger des blessures toujours mortelles. Il en fit don à Arngrímr, chef de ses armées, qui la transmit à Angantýr, l'aîné de ses douze fils, tous berserkir.

L'un d'entre eux fit le vœu d'épouser Ingibjörg, la fille du roi de Suède. Les douze frères se heurtèrent à Hjálmarr, qui était au service du roi et souhaitait également épouser la princesse. Un duel eut lieu sur l'île de Sámsey. Dix des compagnons de Hjálmarr furent tués par les berserkir. Mais Örvar-Oddr tua onze des frères, tandis qu'Angantýr et Hjálmarr s'entretuèrent. Les berserkir furent inhumés sous un tertre sur Sámsey.

La femme d'Angantýr était alors enceinte. Elle mit au monde une fille nommée Hervör, qui était à la fois très belle et forte comme une homme, prisant les exercices guerriers. Vêtue en homme, elle participa à des expéditions vikings, puis se rendit sur Sámsey, au tertre de son père. Elle l'invoqua, le sommant de lui remettre Tyrfingr. Angantýr finit par céder, tout en prédisant que l'épée serait la ruine de sa famille. Plus tard, elle épousa Höfundr, fils du roi Guðmundr de Glæsisvellir, dont elle eut deux fils : Angantýr et Heiðrekr. Ce dernier était, comme sa mère, porté à faire le mal, à tel point qu'il tua son frère. Son père le bannit, mais Hervör lui fit don de Tyrfingr.

Arbo Hervors dodPeter Nicolai Arbo, La mort de Hervor.
Huile sur toile, 1880.
Heiðrekr se rendit au Reiðgotaland. Il se mit au service du roi, dont il épousa la fille. Il eut un fils nommé Angantýr. Plus tard, il tua le roi et s'empara de son royaume. Lors d'une expédition au Húnaland, il enleva la fille du roi dont il conçut un fils, Hlöðr. Il eut également une fille de la fille du roi de Garðaríki. Nommée Hervör, elle était, comme sa grand-mère, une vierge guerrière. C'est Óðinn qui fut cause de la mort de Heiðrekr. Le roi convoqua son ennemi Gestumblindi. Celui-ci sacrifia au dieu, qui prit son apparence pour se rendre chez Heiðrekr. Le roi accepta de se réconcilier avec lui s'il lui proposait une énigme dont il ne trouverait pas la solution. Au terme d'une série de devinettes résolues, Gestumblindi demanda ce qu'Óðinn avait dit à l'oreille de Baldr avant qu'il fût placé sur le bûcher. Heiðrekr reconnut alors Óðinn et tenta de le frapper. Le dieu lui prédit alors qu'il serait tué par des esclaves.

La prédiction s'accomplit, et Angantýr succéda à son père. Son demi-frère Hlöðr demanda sa part de l'héritage. Angantýr contesta son droit mais lui offrit cependant de grandes richesses. Hlöðr refusa et retourna au Húnaland, où il leva une immense armée. Une première bataille eut lieu à la frontière des deux pays, au cours de laquelle Hervör, qui était chargée de la défendre, périt. Une seconde bataille dura huit jours. Elle vit la victoire totale des Goths, et Hlöðr fut tué pat Angantýr.

Construction

La Hervarar saga s'articule autour de quatre poèmes de forme eddique : le Hjalmars Sterbelied (« Chant de mort de Hjálmar »), qui figure également, dans une version plus longue, dans l'Örvar-Odds saga ; la Hervararkviða (« Chant de Hervör »), ou Réveil d'Angantýr ; les Heiðreks gátur (« Devinettes de Heiðrekr ») ; la Hlöðskviða (« Chant de Hlöðr ») ou Bataille des Goths et des Huns.

Ce sont essentiellement ces poèmes qui font l'intérêt de la saga : la puissance d'évocation et l'atmosphère de la Hervararkviða en font l'un des poèmes les plus connus et appréciés de langue norroise  ; les Heiðreks gátur sont uniques en leur genre dans le corpus de la poésie nordique ; quant à la Hlöðskviða, elle constitue l'un des plus anciens poèmes héroïques de la littérature scandinave.

Pour le reste, la Hervarar saga constitue un ensemble disparate, dont les différentes composantes ne sont pas toujours habilement reliés entre elles. Aux éléments proprement héroïques viennent s'ajouter un certain nombre de motifs empruntés aux contes et aux légendes : ainsi des conseils qu'à la demande de Hervör, Höfundr donne à Heiðrekr au moment de son bannissement, conseils que son fils s'empresse de ne pas suivre. Seule l'épée Tyrfingr, transmise de génération en génération, donne une unité à l'ensemble.

Édition

  • Hervarar saga ok Heidreks. With notes and glossary by G. Turville-Petre ; introduction by Christopher Tolkien. London : Viking Society for Northern Research, University College, 1956.

Traductions

  • La saga de Hervör et du roi Heidrekr. Trad. de l'islandais ancien et présenté par Régis Boyer. Paris : Berg international, 1988.
  • The saga of King Heidrek the Wise. Translated from the Icelandic with introduction, notes and appendices by Christopher Tolkien. London : Nelson, 1960.