Sigurðr Eysteinsson fut, à la fin du IXe siècle, le premier jarl des Orcades. Il étendit son territoire dans le nord de l'Écosse, où il trouva la mort.

Sigurðr Eysteinsson dans l'Orkneyinga saga (Flateyjarbók)Histoire de Sigurðr dans l'Orkneyinga saga (Flateyjarbók).
Reykjavík, Stofnun Árna Magnússonar.
Selon la tradition des sagas (Orkneyinga saga, ch. 4 ; Haralds saga hárfagra, ch. 22), le roi Haraldr hárfagri conquit les Shetland et les Orcades, et en fit don à Rögnvaldr Mœrajarl (« jarl de Møre ») en compensation de la mort de son fils Ívarr, tué durant l'expédition.

« Mais le jarl Rögnvaldr donna à Sigurðr, son frère, les deux territoires ; il était homme du gaillard d'avant (stafnbúi) du roi Haraldr. Le roi donna à Sigurðr le titre de jarl quand il repartit de l'ouest, et Sigurðr resta à l'ouest » (Orkneyinga saga, ch. 4).

Il est toutefois possible que la conquête des Orcades soit l'œuvre de la seule famille des jarls de Møre, ainsi que l'affirme l'Historia Norwegiae. Le rôle du roi de Norvège serait alors un ajout tardif des auteurs des sagas1.

L'Orkneyinga saga indique que Sigurðr « devint un grand chef » (ch. 5), et l'auteur de sa dernière partie confirme en conclusion (ch. 112) que Sigurðr fut considéré comme l'un des plus puissants jarls des Orcades, aux côtés de Þorfinnr Sigurðarson (qui reçut, comme Sigurðr, le surnom d'inn ríki : « le puissant ») et de Haraldr Maddaðarson.

Les sagas rapportent qu'associé avec Þorsteinn rauði, le fils du roi de Dublin Ólafr hvíti et d'Auður djúpúðga, il conquit le Caithness, le Moray et le Ross (Orkneyinga saga, ch. 5), ou le Caithness et tout le Sutherland (Haralds saga hárfagra, ch. 22), soit le nord de l'Écosse. Il fit construire une forteresse au sud du Moray.

Il est ainsi à l'origine de la domination durable, quoique souvent contestée, des jarls des Orcades sur les deux rives du Pentland Firth, le détroit qui sépare les Orcades du nord de l'Écosse, et de la colonisation scandinave dans ces régions.

C'est en Écosse qu'il trouva la mort, vers 892, après un combat contre le comte (jarl) écossais Maelbrigte la Dent (Melbricta tönn). Maelbrigte et sa suite furent tués, et Sigurðr fit attacher leurs têtes aux selles des chevaux pour se faire valoir (til ágætis sèr). Sur le chemin du retour, en voulant éperonner sa monture, il s'écorcha la cheville sur la dent proéminente de Maelbrigte. La blessure s'infecta et il en mourut.

La coutume d'attacher aux selles de ses chevaux les têtes de ses ennemis pour se glorifier de sa victoire est bien attestée chez les Celtes, et Bo Almqvist a identifié un parallèle irlandais au motif de la tête qui se venge de son meurtrier. Il a en conséquence suggéré que le récit de la mort de Sigurðr pouvait avoir une origine gaélique2.

Cette « mort stupide » participe de l’ambiguïté des débuts des sagas quant au statut des jarls des Orcades vis-à-vis du roi de Norvège3. Certains éléments vont dans le sens de l'indépendance des jarls. Dans cette perspective, la mort de Sigurðr peut être rangée aux côtés de celles, tout aussi peu honorables, de plusieurs rois de la dynastie des Ynglingar telles qu'elles sont rapportées dans l'Ynglingatal , et elle le place donc sur un même pied que ces derniers. D'autre éléments tendent à démontrer que les jarls sont subordonnés aux rois. Dans cette optique, la mort indigne de Sigurðr est le juste châtiment de son attitude, puisqu'il s'est comporté en conquérant, un rôle revenant légitimement au roi (et qu'il a, de surcroît, adopté une coutume étrangère).

Sigurðr fut enterré dans un tertre le long de la rivière Oykel (Ekkjalsbakki), qui constituait sans doute, à sa mort, la limite de la domination des Norvégiens en Écosse.

Son fils Guthormr lui succéda brièvement.


1 Crawford, Barbara E. Northern Earldoms : Orkney and Caithness from AD 870 to 1470. Edinburgh : Birlinn, 2013. Ch. 3.2.2.
2 Almqvist, Bo. Scandinavian and Celtic Folklore Contacts in the Earldom of Orkney. Saga-Book, 20 (1978-1981). P. 97-99.
3 Beuermann, Ian. Jarla Sögur Orkneyja. Status and Power of the Earls of Orkney according to their Sagas. In : Ideology and Power in the Viking and Middle Ages. Edited by Gro Steinsland … [et al.]. Leiden ; Boston : Brill, 2011. P. 128-129. (The Northern World ; 42).