Yggdrasilfrisen est une frise en bois polychrome réalisée à Oslo par Dagfin Werenskiold (années 1940-1950) et représentant des scènes de la mythologie nordique.

Dagfin Werenskiold vers 1930.
© Oslo Museum / CC BY-SA 4.0.Né et mort à Bærum (1892-1977), dans la banlieue ouest d'Oslo, Dagfin Werenskiold, est le fils du peintre Erik Werenskiold, auteur notamment d'illustrations pour une traduction de la Heimskringla.

Tôt formé par son père, il s'est essayé à toutes formes d'expression artistique, tant dans le domaine des beaux-arts (peinture à l'huile, pastel, aquarelle, fresque, dessin, illustration de livres, dont une édition des contes populaires d'Asbjørnsen et Moe, gravure, sculpture, après un séjour à Paris, auprès de Bourdelle) que des arts décortatifs et appliqués (mobilier, travail du verre, de la céramique, de la faïence, motifs pour des tapisseries ou des broderies)¹.

Il est surtout connu pour ses reliefs en bois polychromes, une technique expérimentée dès l'âge de 13 ans. Dans les années 1930, il produit ainsi, pour les portes de l'entrée principale de la cathédrale d'Oslo, une série de panneaux inspirés du Sermon sur la montagne². Il réalise de multiples reliefs pour des bâtiments publics, hôtels de ville, hôpitaux, écoles, et surtout églises, ainsi des retables pour celles de Hornindal, Årdal, d'inspiration médiévale, ou Sandefjord, sur lequel sont représentées dix-sept scènes de la vie et de la Passion du Christ.

S'il a puisé de nombreux thèmes dans la Bible, c'est en revanche à la mythologie nordique qu'il consacre le bas-relief en marbre Odin og Mime, situé dans le hall de l'hôtel de ville d'Oslo, et surtout, dans la cour de ce même édifice, l'Yggdrasilfrise, après voir remporté un concours. Avec ce choix, la municipalité témoigne de sa volonté d'inscrire le bâtiment dans l'identité norvégienne, dans son histoire et ses anciennes croyances.

Odin sur Sleipnir.

Werenskiold débute cette œuvre durant la Seconde Guerre mondiale. Elle n'est achevée que dans les années 1950. Il travaille d'abord l'argile, avant de réaliser un moule en plâtre. Puis, une première tentative est effectuée en granite, mais il apparaît que la luminosité de l'emplacement est inadéquate pour ce matériau.

C'est donc le bois qui est retenu. La frise comporte seize panneaux en pin aggloméré, chacun d'une dimension de 2,30 x 2,20 mètres, et d'un poids d'une tonne. Ils sont répartis le long d'un péristyle conduisant à l'entrée de l'hôtel de ville, dans des niches creusées dans les briques rouges caractéristiques de l'architecture du rådhus.

Les reliefs se distinguent nettement, pouvant atteindre jusqu'à 25 centimètres. Les panneaux sont peints de couleurs vives, bien que quelque peu ternies avec le temps et la pollution, et utilisent toute la gamme chromatique. Certains sont enrichis d'argent ou d'or, ainsi de l'arrière-plan de celui consacré à Frigg.

Nidhhogg.

Conformément à son titre, l'arbre cosmique est au centre de l'œuvre : sont notamment figurés les animaux qui le peuplent : depuis l'aigle perché à son sommet jusqu'au serpent Níðhöggr, qui le ronge (sans oublier l'écureuil Ratatoskr, qui rapporte les propos malveillants qu'ils s'échangent), en passant par les quatre cerfs qui broutent ses pousses ; apparaissent également les Nornes, représentées en train d'arroser l'arbre. Les deux panneaux consacrés à chacun des deux premiers êtres humains, Askr et Embla, présentent également un fond arboré.

Une série de dieux et de mythes sont également représentés : Óðinn sur Sleipnir, portant sa lance et son anneau, et accompagné de ses deux corbeaux ; son épouse Frigg ; son fils Þórr, conduisant son char tiré par deux boucs et tenant son marteau ; son autre fils, Baldr, transpercé par une flèche lancée par Höðr, derrière qui se tient Loki. Freyr fait l'objet de deux compositions relatives à la séduction de Gerðr : sur l'une, il est représenté prenant congé de Skírnir, qu'il vient d'envoyer auprès de la géante ; sur l'autre, il rencontre Gerðr pour la premièr fois. Deux scènes évoquent les Ragnarök : l'une en montre les signes annonciateurs, tels qu'ils sont décrits dans la Völuspá (Garmr aboie, trois coqs chantent...) ; l'autre représente Víðarr affrontant Fenrir, le pied dans la gueule du loup, qu'il tente d'arracher.

Frigg.

Deux panneaux sont également consacrés à la légende de Völundr, l'un représentant les trois femmes-cygnes qui apparaissent à Völundr et à ses frères, l'autre le forgeron ruminant des « pensées de revanche » aux côtés du roi Níðuðr, qui l'a fait enlever et mutiler, de sa femme et de sa fille.

Werenskiold a choisi librement ses motifs, qui ne présentent pas de cohérence d'ensemble, au-delà du fait que tous sont inspirés de l'Edda poétique et de l'Edda de Snorri.

La même liberté se retrouve dans le traitement des sujets : ainsi, sur le panneau représentant les Nornes – qui ne sont que deux – sont figurées des pommes, choix surprenant pour un arbre supposé être un frêne.

Werenskiold a revendiqué l'originalité de son style. Il puise avant tout son inspiration dans les traditions populaires norvégiennes, mais des influences plus contemporaines, tels que le néo-baroque et l'Art nouveau, sont également discernables.

Les Nornes versent de l'eau sur Yggdrasil.

Le choix même du relief sur bois lui permet de renouer avec une très ancienne forme d'expression artistique paysanne et religieuse, qui plonge ses racines au Moyen Âge, mais avait été délaissé depuis le XVIII^e siècle. Le style est naïf, et la sculpture du bois donne une impression de rusticité. Le taillage est relativement grossier, et les marques du ciseau apparaissent nettement par endroits. Les figures sont simples, stylisées, et néanmoins expressives.

La volonté de mettre en valeur les traditions norvégiennes se reflète aussi dans les costumes de certains personnages, à l'image de Frigg, qui arbore une tenue folklorique, le bunad, plus précisément celui du Rodaland.

De même, certains décors, tels que les fermes et les montagnes sur le panneau représentant Thor, figurent les paysages norvégiens typiques.

Le choix d'une thématique centrée autour d'Yggdrasill a enfin permis à Werenskiold de reprendre abondamment ses motifs ornementaux de prédilection : les fleurs et les feuillages luxuriants.