La Teiknibók (« Livre de dessins ») est un manuscrit islandais (1330-1550) contenant des dessins destinés à servir de modèles pour des enluminures, des retables, etc.

Le manuscrit AM 673 a III 4to comprend vingt-et-un folios, dont le recto et le verso contiennent des dessins réalisés à la plume et à l'encre.

Les sujets sont principalement religieux (la Création, la vie de Jésus, depuis son enfance jusqu'à la Passion, des Vierges à l'Enfant, plusieurs figures de saints, en particulier saint Olaf, saint Christophe et sainte Catherine...).

Ils apportent un témoignage précieux sur l'art religieux islandais médiéval. Nombre de ses manifestations ont en effet disparu, conséquence du temps, qui a par exemple détruit les églises en bois, ou de la Réforme, peu soucieuse de préserver l'iconographie catholique.

TeiknibókSont ici mêlés sujets profanes et religieux : en haut à gauche, des hommes buvant dans une corne ; en bas à droite, la création d'Adam et Ève, par exemple.

Quelques sujets sont profanes, tandis que sont également représentés des motifs ornementaux.

Les dessins sont parfois accompagnés de légendes, en latin ou en islandais.

Teiknibók, Saint Georges et le dragonSaint Georges et le dragon.Certains ont été colorés par la suite : c'est le cas de ceux représentant saint Georges et le dragon ou Samson et le lion.

La plupart, sinon tous les dessins, révèlent des influences étrangères, provenant de différentes périodes artistiques et de plusieurs centres de création, en Angleterre, en Flandres ou dans le nord de l'Allemagne.

Le manuscrit est en mauvais état de conservation – le parchemin est pourri, troué en de nombreux endroits, et son contenu est parfois difficile à déchiffrer.

Mais il est seul de son espèce en Scandinavie. Quand il fut transféré de Copenhague à Reykjavík, en 1991, pour être confié à l'institut Árni Magnússon, une place particulière lui fut d'ailleurs réservée dans l'avion.

Peu de livres de modèles de ce type ont du reste été conservés1 – une trentaine dans toute l'Europe. Leur valeur était utilitaire, et ils n'ont pendant longtemps pas fait l'objet d'un soin particulier, avant que les collectionneurs ne s'y intéressent.

Ce fut le cas de la Teiknibók, qui fut acquise par Árni Magnússon en 1700. Issue de feuillets détachés, elle était alors réunie avec des manuscrits du Physiologus (contenant également des dessins).

Teiknibók, Lion et agneauUn berger sauve un agneau de la gueule d'un lion. Les contours ont été percés pour faciliter la reproduction du dessin.Les dessins n'étaient en effet pas conçus comme des œuvres d'art, produits de la liberté artistique et de la créativité d'un individu. Selon les conceptions prévalentes au Moyen Âge, les auteurs sont anonymes et avant tout soucieux du respect de la tradition. Il s'agit, non pas d'innover, mais de reproduire, de préserver et de transmettre une tradition iconographique.

C'est pourquoi sont couchés sur parchemin des motifs destinés à être réutilisés par les artistes en charge d'enluminer des manuscrits ou de réaliser des retables, ou tout autre type de peinture ou de gravure (pour réaliser des bijoux, par exemple).

La dimension utilitaire des livres de modèles est révélée par la clarté et la lisibilité des dessins, nettement séparés les uns des autres, afin de faciliter leur reproduction. Une copie exacte du modèle pouvait être obtenue en trouant les contours du dessin, ou en suivant ceux-ci avec une pointe émoussée, de façon à les reproduire sur un autre support.

Teiknibók, RoiLa main droite du roi, laissée vide, permet à l'artiste d'y ajouter l'attribut de son choix.Une autre caractéristique des ces ouvrages est que les dessins sont souvent dépourvus de décor, afin de pouvoir être réemployés dans un contexte différent. Participe d'un même esprit la représentation d'un roi dans la Teiknibók, dont une main tient un orbe, tandis que l'autre, laissée vide, permettait aux auteurs de personnaliser leur dessin en y ajoutant l'attribut de leur choix, comme la légende y invite d'ailleurs explicitement.

Parmi les motifs présents dans la Teiknibók qui se retrouvent dans d'autres manuscrits figurent notamment une Crucifixion, dans le manuscrit AM 249 e fol., et une représentation de Josué, dans un manuscrit de la Stjórn (AM 227 fol.).

Guðbjörg Kristjánsdóttir a distingué la trace de quatre auteurs, actifs au cours de la période 1350-1500. Deux d'entre eux seraient responsables de la plupart des illustrations : à l'un sont attribuées seize pages du manuscrit, au cours de la période 1340-1360 ; à l'autre vingt-deux pages, durant la période 1450–1475.

La vocation première de la Teiknibók était de servir de modèles pour des enluminures, et il a vraisemblablement vu le jour dans un monastère, où scribes et enlumineurs produisaient des ouvrages, tant spirituels que temporels. Il s'agit probablement de celui de Þingeyrar, où il est demeuré en usage pratiquement jusqu'à son acquisition par Árni Magnússon.


1 Sur les livres de modèles, voir : Scheller, Robert W. Exemplum : model-book drawings and the practice of artistic transmission in the Middle Ages (ca. 900-ca. 1470). Translated by Michael Hoyle. Amsterdam : Amsterdam University Press, 1995.