Tarkan Viking Kani (1971) est un film turc dans lequel des vikings enlèvent la fille du roi des Huns Attila pour le compte de la fille de l’empereur de Chine.

Cette simple phrase d’introduction suffit à comprendre le jugement porté par Donald L. Hoffmann, qui évoque « the oddness and over-the-topness of the astonishing Turkish production Tarkan the Viking1», qui se révèle, en effet, une authentique série B (au mieux).

Tarkan Viking Kani, de Sezgin BurakLa bande dessinée de Sezgin Burak dont est tiré le film.Tarkan, un Hun, est le héros d’une série de bande dessinée très populaire en Turquie, créée en 1967 par Sezgin Burak. Elle a fait l’objet de plusieurs adaptations cinématographiques.

Dans Tarkan Viking Kani, adapté de la bande dessinée du même nom par le réalisateur Mehmet Arslan en 1971, Tarkan (Kartal Tibet), un puissant guerrier Hun turc, accompagné de ses deux loups, est chargé de veiller sur Yonca, la fille d’Attila.

Mais lors d’une attaque menée par des vikings pour le compte de la fille de l’empereur de Chine, la princesse est enlevée. Bien que fort comme un Turc, Tarkan est blessé, et l’un de ses loups est tué. Accompagné de l’animal survivant, Kurt (« loup » en turc), il part à la recherche des vikings pour le venger.

Tarkan (Kartal Tibet) et son « loup ».Tarkan et son « loup ».Donald L. Hoffmann, dont la contribution à The Vikings on film est consacrée à The Long Ships (1964), évoque à propos de Tarkan, « a tribute among other things to Turkey’s cheerful disregard of copyright agreements2».

La remarque est sévère. Bien qu’il soit intéressant de comparer les deux films, le second n’est en aucun cas un plagiat du premier.

The Long Ships, afficheIls ont certes en commun la confrontation de deux civilisations, l’une occidentale, incarnée par les vikings3, l’autre orientale, qu’il s’agisse d’Arabes (The Long Ships, ou Les Drakkars en France) ou de Huns (Tarkan).

Mais les scénarios sont distincts (malgré plusieurs topoï, à commencer par les scènes de combats), et la perspective radicalement différente.

Même si l’un et l’autre présentent certains personnages ambivalents, et n’excluent pas des rapprochements interculturels (y compris amoureux, ainsi entre Tarkan et la princesse viking Ursula), dans l’ensemble, les deux films sont manichéens, mais selon des points de vue naturellement différents, qui pourraient être résumés de la façon suivante : les barbares, ce sont les autres.

Le « kraken » de Tarkan Viking KaniLe « kraken ».L’illustrent, par exemple, les scènes de tortures : dans The Long Ships, elles sont le fait des Arabes, notamment par l’intermédiaire de la « jument de fer », gigantesque instrument sur lequel la victime, propulsée le long d’une lame, est coupée en deux. Les scénaristes de Tarkan sont non moins inventifs, mais ce sont les vikings qui ont recours à des tortures ou à des mises à mort cruelles : victimes éborgnées par un rapace4, menacées d’une fosse aux serpents5, brûlées vives, livrées à un kraken6, ou, plus insolite, projetées sur un trampoline…

Toro (Bilal İnci) dans Tarkan Viking Kani.Le cruel Toro et son casque ailé.Dans Tarkan comme dans bien d’autres films, les Vikings sont en effet fortement stéréotypés. Ce sont des barbares, buveurs, violeurs, massacreurs de femmes et d’enfants – une scène au début du film montre ainsi un guerrier tuant un enfant dans les bras de sa mère.

Leur chef, le traître et sadique, Toro (Bilal İnci), boit dans le crâne de son roi, qu'il a fait exécuter, et porte, comme ses compagnons, un casque ailé.

Ursula (Eva Bender) dans Tarkan Viking KaniLa princesse Ursula.Le film se signale, d'ailleurs, par son manque de réalisme, et les anachronismes abondent, à commencer par la coexistence des Huns et des Vikings, que plusieurs siècles séparent pourtant. La remarque vaut aussi pour les tenues vestimentaires dans leur ensemble : outre les casques ailés, il est ainsi douteux que les sous-vêtements féminins soient d’époque (quelle qu’elle puisse être exactement).

Tarkan comporte en effet une dose d’érotisme, et quelques scènes de nudité sont présentes. En même temps, il est plusieurs fois questions de femmes guerrières, que ce soit chez les Huns ou chez les vikings7.


1 Hoffrant, Donald L. Guess Who's Coming to Plunder? Or, Disorientation and Desire in The Long Ships (1964). In : The Vikings on film : essays on depictions of the Nordic Middle Ages. Ed. by Kevin J. Harty. Jefferson, N.C. : McFarland & Company, 2011. P. 36. Le titre fait référence à Guess Who's Coming to Dinner (Devine qui vient dîner ?), l’un des plus célèbres films mettant en scène Sydney Poitier (1967).
2 Loc. cit.
3 Des vikings tout aussi authentiques que les Arabes de The Long Ships (interprétés majoritairement par des Italiens ou des Afro-Américains) : la quasi-totalité du casting est turque, même si Eva Bender, qui incarne Ursula, est d’origine suédoise – mais a épousé un Turc. En revanche, l’actrice qui joue le rôle de la fille de l’empereur de Chine est turque également.
4 Référence ou emprunt, peut-être, aux Vikings de Richard Fleischer (1958), puisque c’est ainsi qu’Einar perd un œil.
5 Telle que celles où périssent Gunnar et Ragnarr Loðbrók. Dans Les Vikings, c’est dans une fosse remplie de loups qu'est tué un personnage.
6 Ou monstre marin assimilée : le nom kraken en lui-même n’est pas employé.
7 L'existence de guerrières vikings fait l’objet de débats chez les chercheurs.