Amos Simon Cottle (1768 ?-1800) fut le premier à proposer une traduction anglaise de l'Edda poétique – du moins de la majeure partie des poèmes mythologiques.

Amos Cottle par William PalmerPortrait d'Amos Cottle par William Palmer.
Huile sur toile, 1787.
National Portrait Gallery, Londres.
C'est à la demande de l'un de ses amis, désireux d'en apprendre davantage sur la mythologie scandinave, qu'Amos Cottle, alors étudiant à Cambridge, entreprit, durant ses vacances, de traduire en prose l'Edda de Sæmund, comme l'Edda poétique était alors connue. Il suivit ensuite la suggestion de Robert Southey de produire plutôt une traduction versifiée, « in the free manner of Gray's “Descent of Odin”»1.

C'est ainsi que parut en 1797 à Bristol, la ville natale de Cottle, Icelandic Poetry, or The Edda of Sæmund Translated into English Verse2.

L'ouvrage débute par une introduction dans laquelle se mêlent des informations pertinentes (notamment lorsque Cottle reprend les arguments exposés par Percy dans la préface de Northern Antiquities en 1770 sur les distinctions entre Celtes et Germains, ou sur la variété des croyances des anciens Germains selon les lieux et les époque ; aussi lorsqu'il présente la vie de Sæmundr fróði et l'histoire du Codex Regius) et d'autres plus douteuses, ainsi d'une description fantaisiste de la mort d'Óðinn, percé de neuf coups de lance en forme de cercle, ou d'une interpretatio graeca dans laquelle des équivalences convenues (Þórr et Hercule, Freyja et Vénus) en côtoient d'autres, plus surprenantes (Óðinn et Adonis, Loki et Apollon).

La traduction est précédée d'un poème, « To A.S. Cottle from Robert Southey » où une description des paysages du Dorset, que le poète a parcourus en compagnie de son ami Cottle, précède l'évocation des croyances des anciens Scandinaves, dépeintes comme « a strange and savage faith ».

Cottle a traduit depuis l'Edda Saemundar hinns fróda parue à Copehnague en 1787, sous l'égide de la commission arnamagnéenne. Il s'agit de la première partie d'une édition des poèmes eddiques accompagnés d'une traduction latine en regard.

Cottle, Icelandic PoetryNe figurent, dans l'ouvrage de Cottle, ni les poèmes héroïques, ni des poèmes mythologiques majeurs tels que la Völuspá et les Hávamál, qui ne sont parus que plus tardivement dans cette édition (respectivement en 1818 et 1828). Cottle n'a pas pour autant fait usage de l'édition et de la traduction de ces deux derniers poèmes par Peder Hansen Resen, publiées dès 1665. N'y apparaît pas non plus le Sólarljóð, pourtant en appendice de l'édition utilisée, mais qui ne contient rien sur la mythologie nordique, le calviniste Cottle ajoutant dédaigneusement qu'« it is filled with little else but the absurd superstitions of the Church of Rome ».

Les poèmes sont accompagnés de notes qui apportent un éclairage le plus souvent emprunté à l'Edda de Snorro (sic).

C'est la traduction latine qui a servi de base à la traduction de Cottle. Ainsi que l'a relevé, parmi d'autres, William Herbert, qui traduisit un peu plus tard des poèmes norrois depuis la langue originale (Select Icelandic Poetry, 1804 et 1806), « translations made […] by a person quite unacquainted with the Icelandic language through the medium of a Latin prose version, cannot be expected to represent the style and spirit of the originals »3.

Quant au style, Cottle se soucie peu d'imiter les allitérations et les rimes internes des vers eddiques. Il conserve toutefois le caractère poétique de l'œuvre, puisqu'il produit une traduction versifiée, en octosyllabes. Il s'éloigne aussi de la concision et de la rapidité des vers eddiques, qu'il allonge, amplifie, au point de faire d'un vers un distique, en introduisant des périphrases, en ajoutant des descriptions, en intégrant des informations complémentaires. Ce faisant, Carolyne Larrington juge cependant que « Cottle often achieves a romantic grandeur in his versions of the poems »4.

La comparaison d'une traduction très littérale de la strophe 16 du Song of Vafthrudnis (sic) avec celle de Cottle permet d'illustrer sa manière :

« Tous les einherjar,
dans le pré d'Óðinn,
se pourfendent chaque jour.
Ils désignent les morts
et reviennent à cheval de la bataille,
ils boivent de la bière avec les Ases,
et se nourrissent de Sæhrimnir,
siègent ensuite réconciliés ensemble. »
 
« In Odin's field,
Their swords the Monoheroes wield,
And daily on each other bear,
The dread conflicting storm of war.
Scarr'd in the fight, the chiefs divide,
And home on stately steeds they ride ;
Then with the Gods in splendid halls,
Drink oblivion to their brawls:
Sæhrimner's flesh a feast affords,
And concord reigns around their boards. »
 

La traduction de Cottle a été sévèrement critiqué. Ainsi, William Herbert jugea que « Mr. Cottle has taken such liberties with the Icelandic poetry and mythology, which in some places he has purposely amplified, and in others misunderstood, that, if he had published his work as original, he could scarcely have been accused of plagiarism »5.

C'est ainsi que, pour ne citer que l'erreur la plus flagrante, dans sa traduction de la Þrymskviða (str. 13), Freyja accepte de se rendre au Jötunheimr, alors qu'elle refuse en réalité avec indignation.

Cottle refuse aussi de traduire un échange de la Lokasenna (str. 33-34) jugé inapproprié, celui où Loki rappelle à Njörðr que « les filles de Hymir t'ont utilisé comme pot de chambre et t'ont pissé dans la bouche » : « the sentiments and expressions of this and the following verse would not admit with propriety of an English version ».

La recherche actuelle se montre toutefois plus indulgente à l'égard du travail de Cottle que ses contemporains. Heather O'Donoghue juge ainsi que les poèmes « are perfectly serviceably translated, with relatively few inaccuracies »6.

L'influence de la traduction de Cottle est difficile à évaluer. Un peu plus d'un siècle après sa parution, Frank Edgar Farley relevait que « since Cottle's Icelandic Poetry was the first English translation of the only volume of the Copenhagen Edda that had then appeared, it naturally became well known to everybody who had any interest in Norse mythology […] and it was for many years invariably cited by English writers on Scandinavian subjects »7. Carolyne Larrington a cependant estimé que « Cottle's Edda […] does not seem to have been widely circulated »8, se fondant notamment sur les propos de Benjamin Thorpe qui, dans la préface de sa propre traduction de l'Edda poétique, en 1866, indiquait n'avoir pas eu connaissance de la traduction de Cottle – ni d'aucune autre9.

Amos est le frère aîné de Joseph Cottle (1770-1853), libraire, éditeur, mais aussi auteur, notamment, du poème épique Alfred (1800), mettant en scène la lutte du roi anglo-saxon contre les envahisseurs danois10.


1 Cottle, Joseph. Early recollections ; chiefly relating to the late Samuel Taylor Coleridge, during his long residence in Bristol. Vol. 1. London : Longman, Rees & Co and Hamilton, Adams & Co, 1837. P. 110.
2 Icelandic Poetry, or The Edda of Saemund translated into English verse, by A. S. Cottle, of Magdalen College, Cambridge. Bristol : Printed by N. Biggs, for Joseph Cottle, and sold in London by Messrs. Robinsons, 1797.
3 Herbert, William. Works of the Hon. and Very Rev. William Herbert : excepting those on botany and natural science. With additions and corrections by the author. Vol. 1. London : H.G. Bohn, 1842. P. 179.
4 Larrington, Carolyne. Translating the Poetic Edda into English. In : Old Norse made new : essays on the post-medieval reception of Old Norse literature and culture. Edited by David Clark and Carl Phelpstead. London : Viking Society for Northern Research, University College London, 2007. P. 24.
5 Herbert, op. cit., p. 193.
6 O'Donoghue, Heather. English poetry and Old Norse myth : a history. Oxford ; New York : Oxford University Press, 2014. P. 107.
7 Farley, Frank Edgar. Scandinavian influences in the English romantic movement. Boston : Ginn, 1903. P. 136.
8 Larrington, op. cit., p. 24.
9 Edda Saemundar hinns Frôða : The Edda of Saemund the Learned. Pt. 1. London : Trübner, 1866. P. vii.
10 Les deux frères ont été la cible des sarcasmes de Byron dans son poème satirique English Bards and Scotch Reviewers (1809), où il écrit notamment :
« Oh, Amos Cottle!—Phœbus! what a name
To fill the speaking-trump of future fame!—
Oh, Amos Cottle! for a moment think
What meagre profits spring from pen and ink!
When thus devoted to poetic dreams,
Who will peruse thy prostituted reams?
Oh! pen perverted! paper misapplied! »
 
Byroon commenta : « Mr. Cottle, Amos, Joseph, I don't know which, but one or both, once sellers of books they did not write, and now writers of books they do not sell, have published a pair of Epics - Alfred (poor Alfred! Pye has been at him too!) - Alfred and the Fall of Cambria ».